Les eaux troubles du Bassin d’Arcachon

Retour sur la conférence débat du 9 février 2024 à Andernos les bains, salle du Broustic

Juste avant le réveillon du nouvel an, en décembre 2023, une épidémie de gastro-entérite s’étend tout autour du Bassin d’Arcachon. Les coquillages et les huîtres sont interdites de consommation. Que s’est-il passé ? Organisée par des associations de protection de la nature du bassin vendredi 9 février 2024 à Andernos-les bains une conférence-débat a tenté de faire le point et de faire émerger des tentatives de solution.

Une baisse de la qualité des eaux conchylicoles

Thierry Lafon, ostréiculteur et président de l’ADEBA explique la baisse de qualité des eaux du Bassin. Celui-ci est alimenté par l’océan, (il faut trois semaines pour renouveler complètement l’eau du Bassin) et un bassin versant de 4000 km2, bordé par des communes de plus en plus peuplées, caractérisées par un sur-tourisme saisonnier, très polluantes (herbicides, fongicides, algicides utilisées pour le nettoyage des toitures, produits d’entretien). Il s’y ajoute la pollution provenant de l’agriculture et celle causée par les très nombreux bateaux de plaisance (peintures anti-salissure et HAP*) . Conséquences : la flore disparaît, les zostères** régressent, il y a de moins en moins d’algues sur les poches utilisées par l’ostréiculture. Les huîtres maigrissent par manque de phytoplancton. Sur terre, le réseau de fossés et de « crastes ***» est très mal entretenu : les échanges avec la nappe phréatique qui affleure sont moindres. Lors de fortes pluies, les sols sont saturés, les polluants lessivés et emportés. L’eau de pluie pénètre dans les égouts qui débordent et tout rejoint les eaux marines du Bassin, contaminant les huîtres. Le préjudice est immense mais que faudrait il faire pour éviter un renouvellement ?

Le système de traitement des eaux usées, installé en 1974 est efficace mais présente quelques failles : des regards qui, dès qu’il y a plus de 3 cm d’eau sur la chaussée la laissent rentrer et le rejet dans l’océan des effluents des stations d’épuration par un émissaire : le Warf de la Salie. Situé entre Biscarosse et les passes du Bassin d’Arcachon. René Capo, fondateur de comité de vigilance de Biscarosse en compte l’histoire. Ces eaux rejetées ne sont pas pures. Elles comportent encore des résidus médicamenteux et des produits détergents, sont rejetées trop près du rivage (du fait de l’ensablement). Les courants marins les entraînent jusqu’à l’entrée du Bassin. Est-il acceptable de rejeter les effluents des stations d’épuration en mer ?

Une consommation en eau potable dépassant déjà les seuils autorisés par Patrick Dufau de Lamothe fondateur de l’association Arc-Eau

Les communes du Nord Bassin s’approvisionnent sur 20 forages, dont 7 dépassent continuellement les consommations autorisées par les arrêtés. C’est notamment le cas à Andernos, à Audenge (83% de dépassement en 2022), à Lège-Cap Ferret (25 à 30% de dépassement depuis plusieurs années). le Bassin d’Arcachon consomme trop d’eau : la norme nationale par famille (2 adultes et 2 enfants) prévoit une consommation de 120 m3 par an, mais elle est actuellement de l’ordre de 160 m3 sur le Bassin.

Le nouveau SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale) du Bassin d’Arcachon prévoit une augmentation de 40 000 habitants d’ici 2040. L’Etat prévient que les autorisations de prélèvement ne seront pas augmentées. Il manquerait ainsi, pour le Nord Bassin, 200 000 m3 d’eau et 1500 abonnés ne pourraient pas être alimentés. que l’impact du dérèglement climatique sur la ressource locale en eau n’est pas connu avec précision,

Volonté politique et efforts individuels sont convoqués pour évoquer les solutions : réduction de la consommation en eau potable, utilisation de produits certifiés « Ecocert » ou « maternité saine » par les individus et les communes, installation de toilettes sèches sur les plages, tourisme éco-responsable et surtout moratoire sur l’urbanisation future. « Nous voulons des ostréiculteurs, pas des promoteurs » conclue un participant.

, * HAP hydrocarbures polycycliques aromatiques composants naturels du charbon et du pétrole

** Zostère : plante marine poussant sous l’eau ou sur l’estran et abritant des larves, jeunes coquillages et jeunes poissons. Echouée sur la plage, elle donne le varech.

***Crastes : nom local donné aux réseaux de fossés

3 réponses à « Les eaux troubles du Bassin d’Arcachon »

  1. Ce compte-rendu n’évoque pas le sujet de la prolifération des piscines individuelles, qui est certainement une des causes de la surconsommation d’eau.
    N’a-t-il pas été évoqué lors de la conférence ?

    J’aime

    1. Très brièvement. Mais il est sur que, pompant directement dans la nappe phréatique par un système de forage, les piscines privées augmentent la consommation d’eau. C’est difficile à mesurer exactement. Améliorer la qualité des eaux de baignade et supprimer les piscines privées devraient aller de pair…

      J’aime

Laisser un commentaire