

A Biscarosse, samedi 18 mai dernier, la « forêt landaise », thème de la conférence, avait en cette journée pluvieuse de la mi-mai attiré nombre de spectateurs. Forestiers plus de cinquagénaires, gemmeurs, naturaliste et hommes politiques. Peu de femmes dans la salle; « Forêt landaise »: ces mots suggérent la découverte d’un trésor patrimonial, la nature, la forêt usagère, une forêt qui après Klaus, Xynthia et leurs conséquences pour les exploitants, est à la croisée des chemins. « Forêt landaise »,c’est aussi la forêt dunaire, la lutte contre l’érosion éolienne et maritime, la vie du forestier, es méthodes de marquage, d’abattage et le gemmage !
Or, malgré le professionnalisme patent du médiateur et des organisateurs, la conférence scientifique a tourné à la foire commerciale, chaque enseigne venant vanter son produit.
Oxymores, techniques oratoires dignes de Caton l’ancien et langues de bois ont noyé des retours d’expérience originaux et des questions de fond.
Quelques spots : un petit film a vanté les prouesses du progrès technique en soulignant avec force le peu de cerveille nécessaire pour se servir d’engin dévastateur à la fois sur le plan sylvicole et sur le plan de l’emploi puisqu’une tête d’abatteuse supprime 4 emplois sur 5…. Mais quelle chance de pouvoir jouer « pour de vrai » à des jeux vidéo et de gagner ainsi sa vie en forêt afin de pouvoir apercevoir les chevreuils ou cueillir des champignons !…Mais de qui se moque-t-on ? Connait-on le nombre de décibels générés par de tels engins ? A-t-on seulement parler de la quantité d’entrants (engrais, pesticides) nécessaires pour tel type de culture ? On replante oui mais on crée des champs d’arbres alignés et non des forêts…
A la question d’une auditrice sur la préservation de la biodiversité avec l’emploi d’une tête abatteuse, on pourrait ajouter : » Combien d’emploi, combien d’espèces animales et végétales disparaissent ? Et combien de tonnes de C02 génèrent le labour, la plantation puis la coupe industrielle ? Quelle est la qualité de ces fibres de bois qui sont poussées ? D’ailleurs qu’est-ce qu’une forêt ? »
Oxymores et langues de bois : A la question « quelles mesures avez-vous pris après le passage des tempêtes Klaus et Xynthia » on a répondu « nous avons pris une caisse de prévoyance complémentaire »…. « l’état subventionne le traitement des piles [de tronc entassés sur des dizaines d’hectares et arrosés régulièrement pour éviter la pourriture] »
Une intervenante dans la salle parle de techniques anciennes étudiées et valorisées par de récentes études scientifiques : la plantation diversifiée autour des pins qui empêche les chenilles processionnaires d’atteindre les pins. Pourquoi n’a-t-on pas adopter ces méthodes dans les plantations postérieures aux grandes tempêtes ? La réponse fut apportée un peu plus tard : Un des orateurs,Jacques Hazera de l’association européenne Pro sylva, fait part de son expérience : il cultive ses pins sans labour mais se permet de faire des plantations complémentaires au milieu de la régénération naturelle. Cette méthode limite les frais, le travail et apporte un rendement supplémentaire tout en préservant la biodiversité. Il montre des courbes de rendement du pin en citant les travaux de Jean-Paul Mogé; « courbes traffiquées »hurle un homme dans la salle
Un autre auditeur accuse le perturbateur d’être payé par le syndicat des consommateurs de champs d’arbre bref il serait juge et parti. Le médiateur intervient le maire de Biscarosse calme le jeu. Efervescence dans la salle !
Quelques repères historiques donnés par Gilles Granereau de l’ONF;
Dès le XIVème siècle on parle des pins des landes (source : archives départementales de Bayonne)
En 1960 un ingénieur Guy Jounet reprofile des dunes à l’aide d’un bulldozer[Coincidence : en 1954 on rencontrait encore dans les landes des familles de chevaux sauvages (ou redevenus sauvages les Leddons ils ont tous disparu ]
Deux administrations se disputent la gestion du territoire : les eaux et forêts et les ponts et chaussées
En 1966 création de l ONF
En 1980 l’ONF s’entoure de scientifiques, contrôle souple des sables
En 2000 création du réseau Natura 2000
La forêt dunaire est confrontée à trois types d’érosion : une érosion maritime, une éolienne et une anthropique celle due aux « loisirs motorisés ». Les déchets peuvent venir des fleuves (macro déchets) mais aussi des hommes qui fréquentent les plages et des rejets en mer. Les érosions maritimes et éoliennes seront contenues grâce à l ‘entretien du cordon dunaire et l’érosion anthropique grâce au « plan plage » de l’ONF, qui tente d’éduquer le public.
Entretien du cordon dunaire :
Branchage, Gourbet ou chardon des dunes ou Oyax (dans le nord)(depuis 1987) et chiendent des sables (ou Gourbetine).
Cela permet de contrôler le déplacement doux des dunes.
et de maintenir le lézard ocelé, et d’autres animaux inféodés à cet habitat.
Enfin, il faut savoir qu’une plage trop propre est une catastrophe écologique , la laisse de mer participe de la lutte contre l’érosion et de la préservation de la biodiversité. A Mimizon, Moliets, Seignosse et Tarnos, on conserve les laisses de mer. Et sur le Bassin ?
Pour François Claveirole de l ON F on ne peut gérer de forêt sans avoir de vision ; le »guide de la sylviculture spécifique » peut nous en donner une : celle d’une forêt mixte avec des feuillus (chêne pédonculé, chêne liège et chêne vert), dominée par le pin maritime. On utilise la régénération naturelle et la fonction de production de la forêt landaise nous permet de financer la protection du cordon dunaire, le maintien de la biodiversité et l’éducation du public. Enfin les méthodes de coupe et de vente se modifient : on vend de moins en moins d’arbres sur pied et de plus en plus d’arbres coupés et stockés en bord de route en faisant appel aux scieries locales.
Une autre vision est la préservation de la biodiversité : les bois sénescents restent sur les dunes côtières. En effet, la forêt littorale dunaire est un écrin et un attrait touristique.
Question de Jean-Marc du COmité de Vigilance : » l’ONF fait -elle une relation entre l’atteinte des pins en bord de mer et les rejets du Warf de la Salie? »
-Non c’est le sel et le mitraillage une évolution naturelle. »
Pourtant l’année dernière, des scientifiques suisses avaient répondu positivement à cette question….
Un intervenant, passionnant par ailleurs , s’excuse de devoir respecter la réglementation; un autre dit qu’il passe son temps à Bruxelles pour participer à des classifications et obtenir des subventions.
Notons que les problèmes soulevés (pourquoi construit-on en bois scandinave et bavarois en Aquitaine ?) mériteraient une étude sérieuse et une véritable réponse. Il est possible de construire en pin maritime.
Enfin le dernier intervenant fait un cours sur la production et la consommation mondiale de collophane, les différents acteurs et démontre que la forêt landaise (et non pas les champs darbres)donne un produit de qualité supérieure à celle qui vient d’Asie. Hélas Claude Gourraud, « lE » Gemmeur,malade, n’a pu venir. Cela manque de travaux pratiques… On aurait aimer pouvoir aller sur place,toucher les choses.
Quels enseignements tirer de tout cela ? Que les schémas mentaux ne changent pas : l’écoute de l’autre, la remise en cause d une foi aveugle dans le progrès technique, la capitalisation des bénéfices et la mutualisation des pertes sont toujours à l’ordre du jour. Pourquoi toujours penser que l’autre, celui qui expérimente avec audace (ou paresse) une autre méthode, moins coûteuse et plus en harmonie avec la nature est forcément l’homme (ou la femme) à abattre ? A suivre l’année prochaine ?
Caton l’ancien : homme politique romain qui finissait toujours ses discours par la phrase Il faut détruire Carthage. Cartago delenda est.
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